Pía León et la cuisine du Pérou

Pía León, cheffe de la gastronomie péruvienne

En octobre 2021, Pía León est sacrée meilleure cheffe du monde lors du classement annuel du World’s 50 best restaurant. Ambassadrice de la cuisine péruvienne, Pía León se souvient de cette consécration : « Un grand sentiment de fierté et un message positif pour les femmes de mon pays, et ça c’était vraiment magnifique. Cette distinction a aussi fait de moi une sorte de porte-parole de toutes ces femmes cuisinières en Amérique latine, et ça, c’est une sacrée responsabilité. »

Pía León et la tradition culinaire péruvienne

Dès son plus jeune âge, Pía est émerveillée par les saveurs et les arômes du Pérou qui émanent de la cuisine de sa famille. À 12 ans, avec sa sœur jumelle, Gracia, elles se lancent des défis culinaires. La juge est intraitable : leur mère, qui exerce l’activité de traiteur. « Nous avions l’esprit de compétition, donc nous prenions cela très au sérieux. Et pour tout dire… je gagnais à chaque fois. » Avec une curiosité insatiable, elle explore les marchés animés de Lima, se familiarisant avec les produits locaux et les traditions de la cuisine péruvienne. Dès l’âge de 16 ans, elle travaille aux côtés de sa mère et apprend beaucoup. Les techniques de base, bien sûr, mais aussi une certaine école de la vie : l’importance de la constance et de la persévérance si l’on veut atteindre son objectif. Et le sien est évident : devenir cheffe.

Alors elle traverse l’océan pour peaufiner son expérience, en Espagne, puis à New York ou chez Astrid y Gaston, table du célèbre chef Gaston Acurio à Lima, avec une idée en tête : se faire embaucher dans le restaurant que s’apprête à ouvrir Virgilio Martinez, alors star montante de la gastronomie péruvienne. Au culot, elle se rend sur le chantier du restaurant pour solliciter un emploi. Et ça marche : sa détermination et son talent en font rapidement le bras droit du chef. Qui finit d’ailleurs par lui demander sa main !

Cheffe du terroir péruvien

Ensemble, ils lancent en 2012 le concept d’un menu-dégustation basé sur les différents écosystèmes du Pérou : chaque plat illustre les produits d’un micro-terroir, de l’altitude la plus basse - la côte et ses saveurs iodées au niveau de la mer -, jusqu’aux hauteurs extrêmes de la cordillère des Andes, en passant par la luxuriante jungle amazonienne. Pour nourrir ce menu, le couple se met à voyager dans tout le pays, secondé par la sœur de Virgilio qui se charge, avec l’aide de botanistes, biologistes, anthropologues, de chercher, classer, documenter chaque nouvelle espèce et ingrédient potentiel. Le trio ouvre même MIL, à Cuzco, une table expérimentale dédiée aux cultures, paysages et anciennes techniques de cuisine andine, avec une vue imprenable sur les ruines en terrasses de Moray, un site archéologique situé dans la Vallée sacrée des Incas.

Puis Central, le restaurant qu’elle dirige avec son époux, déménage, le moment pour Pía d’oser enfin créer sa propre table : Kjolle. Le nom est inspiré par la fleur aux teintes safran d’une plante andine particulièrement résistante. Sans doute pas un hasard quand on connait la ténacité de la jeune cheffe. Dans un décor d’artisanat local, elle s'y livre à une approche instinctive centrée sur les produits emblématiques du pays (les mashuas, ocas, arracachas, tubercules et fruits de la forêt amazonienne ou des Andes, les poissons et fruits de mer des côtes péruviennes), avec comme règle d'or, jamais plus de quatre ingrédients dans chaque assiette et un travail bien pensé sur les couleurs. L’occasion aussi de mettre en valeur, encore une fois, les productrices locales et traditions culinaires féminines.

C’est là, à 3500 m d’altitude, que toute la famille s’installe et on voit souvent Cristobal, le jeune fils du couple, déambuler en cuisine, à l’aise tel un poisson dans l’eau… comme l’était sa mère à son âge.

Texte par Chrystèle Mollon

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