Yvan Bourgnon : nettoyer les océans

Yvan Bourgnon : éliminer le plastique des océans

Enfant déjà, Yvan Bourgnon traversait le monde à la voile en famille. Un passage de relai familial puisqu’avec son fils Mathis, il a remporté les 19 et 20 juin dernier le Raid Émeraude. Après une trentaine d’années passées à parcourir les océans, le navigateur s’est lancé dans un pari écologique un peu fou : celui de débarrasser la mer des tonnes de déchets en plastique qui y sont déversés chaque année.

Assainir l’océan : le combat d’une vie

« C’est clairement le combat de ma vie. J’ai eu une carrière avec vingt ans de compétition et dix ans d’aventures, j’aimerais que les prochaines années soient dédiées à la nature et à la planète. » Celui que l’on surnomme le gladiateur des mers est déterminé. Yvan Bourgnon entend mener à bout au plus vite le projet piloté avec son association The Sea Cleaners : « J'ai lancé, en 2016, l'association The SeaCleaners, qui a pour but de lancer le premier voilier capable de ramasser les déchets plastiques en mer. » L’objectif : construire un bateau gigantesque, baptisé le Manta, un quadrimaran géant de 72 m de large et de 60 m de long avec à l’arrière un système de râteau pour collecter en mer les détritus avant de les piéger. Le Manta, ce navire révolutionnaire pour nettoyer les océans, doit son nom à la raie Manta qui a la capacité à filtrer l’eau. Totalement hybride, le vent, le soleil et le courant permettront de limiter au maximum l’utilisation d’énergies fossiles.

Nettoyer les océans : un immense défi

Il faut dire que la tâche est immense : chaque année, nous déversons près de huit millions de tonnes de déchets dans les océans. Des chiffres en constante augmentation en raison de l’expansion démographique. « Il y a une urgence extrême au même titre que le réchauffement climatique » affirme Yvan Bourgnon, témoin direct au fil des années de cette prolifération. C’est d’ailleurs à la suite de son tour du monde sur un catamaran de sport non habitable et sans assistance, que cette idée lui est venue : « J’étais vraiment au ras de l’eau et j’ai pu voir au plus près ces plastiques se prendre sans arrêt dans mes gouvernails et mes dérives. Quand tu arrêtes ton bateau plusieurs dizaines, parfois même centaines de fois par jour, et que tu vois cent déchets autour de toi, que tu es obligé de ramasser pour pouvoir poursuivre, il y a un vrai ras le bol. C’est général chez les skippers. Pendant les compétitions, ils n’arrêtent pas de taper des objets. On le voit sur le Vendée Globe, où il y a de nombreux abandons à cause de ça ! »

Cette triste réalité, hors de question pour lui de s’en accommoder. Pour mener à bien sa mission, Yvan Bourgnon s’est entouré d’une équipe de spécialistes et, ensemble, ils ont fait appel à la générosité des internautes via une campagne lancée sur une plateforme de financement participatif. « Très souvent, au cours de mes courses transocéaniques en multicoque, j’ai heurté des objets flottants non identifiés. En 2015 encore, lorsque le bateau avec lequel je participais à la Transat Jacques Vabre entra en collision avec un container, m’obligeant à abandonner la course. Confronté de façon brutale à la pollution océanique lors de cet incident mais aussi à l’occasion de mon Tour du monde en catamaran de sport et de mon passage du Nord-Ouest, j’ai décidé d’agir. Avec la création de l’association The SeaCleaners dédiée à la lutte contre la pollution plastique océanique, et la conception d’un navire révolutionnaire le Manta, collecteur de déchets plastiques dont la mise à l’eau est prévue d’ici 2024. »

Guérir et prévenir

Et si nettoyer les océans, c’est bien, Yvan Bourgnon entend aller au-delà et donner une dimension éducative à ce projet : « Quand on va revenir à terre et déverser sur les quais les 600 m³ de déchets récupérés et leur dire : Vous avez vu ce que vous avez rejeté en mer en seulement quelques semaines ? Je pense que là, on aura un vrai rôle de sensibilisation. » Un combat qui se mène donc à tous les niveaux. Même si le navigateur dit devoir pousser des murs, il se montre plus qu’optimiste sur la réussite de ce défi.

Et de conclure : « Je sillonne les océans depuis l’âge de 8 ans. Je les ai vus se dégrader, se réchauffer, s’acidifier, se plastifier. The SeaCleaners se bat aujourd’hui sur tous les fronts : la sensibilisation et la prévention, la diffusion de la connaissance scientifique, la transition vers l’économie circulaire, le ramassage de déchets à terre comme en mer. Avec trois mots d’ordre pour guider notre démarche : passer à l’action, trouver des solutions, refuser la résignation. »

Crédits photos : © Yvan Bourgnon1